Electrypop Interview : Herman Dune


                      © Travis Haight

David Ivar alias Herman Dune en interview pour electrypop. L’ artiste multifacette évoque ses vingt ans de carrière et nous parle de son nouvel album ‘Notes From Vinegar Hill‘ à venir le 6 Novembre prochain! 


1) Bonjour Herman, tu vis principalement en Californie depuis plusieurs années ..que t’apportes  la culture musicale et artistique Américaine?

Hello, J’aimais la Californie même avant de la connaître vraiment, de Charlie Chaplin à Snoop Dogg, en passant par Richard Brautigan et Bob Dylan, ma culture en est empreinte depuis mon enfance. Maintenant, j’habite à San Pedro (Port of Los Angeles), dans le quartier de Vinegar Hill, dans la rue même où vivait Charles Bukowski, un de mes poètes et auteurs préférés. L’Art aux États-Unis se crée dans l’adversité et la passion. Les conditions sont si difficiles que seuls les acharnés et les habités se battent contre les moulins de l’Économie Du Succès pour exister culturellement. 

2) Peux – tu revenir en quelques lignes sur ton premier album :’Turn Off The Light’ réalisé en 2000 et sur l’album ”Mash Concrete Métal Mushroom” réalisé en 2003?

Turn Off The Light était certainement une naissance. Je n’avais jamais tourné, le monde s’ouvrait à moi. Enregistré dans un garage étriqué et étouffant du Nord de Paris, c’est presque ironique que grâce à cet album j’aie pu découvrir tant d’horizons différents. J’adorais jouer avec Omé, un des meilleurs batteurs du monde, et mon frère André, sur cet album. Ça paraît si loin, j’ai du mal à me souvenir des morceaux.-À l’époque de Mash Concrete Metal Mushroom, Herman Dune avait signé avec Shrimper, le label Californien à l’origine de la musique LoFi. Je passais ma vie en tournée, ou à New York City, tout se faisait vite, sans réfléchir. J’aime beaucoup la chanson Why Would That Hurt ? dessus, mais je ne l’ai pas entendu depuis des années !

3) Ton nouvel album ‘ Notes From Vinegar Hill’ sort le 6 Novembre prochain, peux-tu nous en dire un peu plus? ( description des titres de l’album)

1.Say You Love Me Too:

C’est la première chanson que j’ai enregistrée pour l’album. Une ballade amoureuse écrite sur mon piano. J’ai samplé ma propre batterie et le piano, puis la pedal-steel de Spencer Cullum Jr. Ma voix est toujours cassée depuis quelques années, j’aime ce grain sur cette prise.

2. Heartbroken & Free

En pleine angoisse, le pêcher derrière le studio me réconfortait. C’est ce sentiment que j’exploite dans ce morceau empreint du Jazz Vocal de la Grande Récession Américaine.

3. Freak Out Til The Morning Dew

Encore une chanson d’angoisse, écrite au piano, la voix de ce morceau m’a vraiment libéré. Je suis content d’y mentionner Jessica Jones.

4. Ballad of Herman Dune (High On Rye & Lost at Sea)

J’adore conduire en Californie, et beaucoup de mots surgissent pour moi au volant. Certainement une ballade automobile, très personnelle. On entend bien Inspecteur Morrison, qui ne me lâchait pas pendant l’enregistrement, et un hélicoptère de Police (le Ghetto Bird) qui survolait le studio. J’ai décidé de garder la prise, et finalement j’aime bien tous ces bruits.

5. LA Blues

Le titre vient de Caitlin Rose qui chante sur le morceau. C’est une mélancolie très particulière, celle qu’on peut ressentir dans un lieu aussi évidemment magnifique que Los Angeles. Un contraste entre le paysage lumineux et la noirceur intérieure. Caitlin a tout compris en nommant la chanson ainsi, c’est tout ce que je voulais dire. D’ailleurs elle me rappelle Julee Cruise sur cette chanson, qui chante les chansons pour les films de David Lynch. Il y a un côté un peu Mulholland Drive dans cette chanson je trouve.

6. Vinegar Hill

Je jouais tous les Samedis soirs dans « le plus vieux bar de LA » à quelques rues de chez moi. Je finissais tard, exténué, à marcher avec mon amie, ma guitare à la main, au petit matin dans les rues de Vinegar Hill. C’est comme ça que j’ai écrit cette chanson. Encore une fois, c’est une idée de Caitlin Rose de la chanter en duo. Elle a toutes les bonnes idées dans cet album !

7. Scorpio Rising

Je suis un Scorpion, et cette chanson se nourrit du petit matin dans le port, avant d’aller nager pour se réveiller.

8. Hawaii Morning

J’ai connu Hawaii grâce à Simon Beins, le chanteur de Fishermen 3. Lui et son épouse habitent à Waimea Bay, et nous avons eu la chance de leur rendre visite dans ce cadre magique où les matins sont gris et humides. Depuis, dès que le soleil se lève dans le brouillard, après une nuit de pluie, à San Pedro, je pense à Hawaii. Cette chanson est un duo avec le Pedal Steel player Spencer Cullum Jr, le pedal steel, c’est aussi la Guitare Hawaïenne donc c’était presque obligé de la jouer comme ça !

9. Mookie Mookie

Après avoir samplé la batterie et la contrebasse, j’ai remarqué un grognement dans le fond de l’enregistrement. C’est ce qui a donné toute sa rage au morceau, assez Blues, marqué par Chuck Berry ou Screamin’Jay Hawkins.

 10. Birds of Prey

Moi, je suis fan de Batman, et tout ce qui y touche, Harley Quinn notamment. Après avoir vu le très beau film de Margot Robbie, j’ai écrit ce morceau car je la trouve merveilleuse avec son accent New Yorkais dedans. Je fais pas mal référence à Catcher In The Rye dedans, mon livre favori. Cette prise, c’est venu d’un coup. J’enregistrais le piano d’une autre chanson, et sans bouger les micros je me suis mis à la chanter, très loin du micro, avec l’inspiration du moment. C’est pour ça que le son est un peu spécial, mais j’aimais la prise alors je ne voulais pas la refaire.

11. PS I Could Have Done Great Things

Souvent je me dis que j’aurais pu faire des grandes choses. Cette chanson, c’est ça, jaurais pû si….

12. Long Monday

C’est un morceau de John Prine, le grand songwriter que le Covid 19 nous a enlevé cette année. Je l’adore, je chantais toujours cette chanson, mais avec sa mort je me suis senti appelé à la mettre sur l’album. C’est la première fois qu’il y a une reprise sur un album d’Herman Dune.

4) Quelles sont tes différentes approches de création aujourd’hui en rapport aux vingt dernières années écoulées ?

J’ai l’impression que ce n’est jamais pareil. Je ne fais pas partie de ces artistes qui ont une méthode. Parfois j’écris une chanson en dix minutes sous l’inspiration d’un moment, parfois je travaille sur un poème pendant un an pour arriver où je veux. Ce qui a vraiment changé pour moi, c’est de créer mon propre studio pour mes trois derniers albums, Sweet Thursday, Santa Cruz Gold, et maintenant Notes From Vinegar Hill. J’ai toujours aimé produire et enregistrer, comme je l’avais fait pour Not On Top ou Giant, mais dans mon propre studio c’est vraiment une autre histoire, je peux essayer plein de choses. 

5) D’après toi, quelle est la frontière  entre le Rock et l’anti Folk?

Tu connais bien sûr la belle quote de Duke Ellington, « There’s only two kinds of music, good music, and bad music » C’est mon sentiment. Le Rock, l’Antifolk, le Grunge, la LoFi, la Pop, le Rap, ne m’intéressent que quand il y a des bonnes chansons. 

6) Que penses tu de la scène musicale internationale d’aujourd’hui? Qu’est ce que tu apprécies et n’apprécies  pas?

Pour revenir à ta question d’avant, moi j’aimes les bonnes chansons, lorsque quelqu’un choisit la voix de la poésie pour exprimer quelque chose de personnel, une vision intime, un point de vue unique, des observations inédites, j’aime aussi les voix qui ont une vie, et ne font pas de vocalises. Pour ça j’aime les chansons de Caitlin Rose, Kimya Dawson, Jolie Holland, Maesa Pullman, Lana Del Rey, Lucinda Williams, Kyle McNeill, Nicki Minaj, Valerie June,  Tom Brosseau et encore d’autres. J’avoue que j’ai eu ma dose de testostérone en 20 ans de tournée, et on commence à peine à se rendre compte du côté sombre, violent et machiste du monde de la musique, donc en général, je fuis un peu tout ce qui rappelle les vestiaires de Football (que je ne connais pas, c’est une image) dans mon métier, j’en ai vraiment eu assez, c’est trop déprimant. Notre métier a été rendu tellement éprouvant pour ceux qui ne se prêtent pas au jeu super masculin du Rock, c’est insupportable, j’ai vu trop d’artistes femmes se faire maltraiter par des musiciens, des techniciens, j’ai vu trop de Mâles du Rock se croire tout permis en tournée, ça, c’est ce que je n’apprécie pas. 

7) Quels sont les meilleurs et les pires souvenirs que tu gardes de tes différentes tournées à travers le monde depuis vingt ans maintenant ?

Un de mes meilleurs souvenirs, c’est la célébration des 70 ans de Bob Dylan à la Philharmonie de Paris, où j’ai interprété l’album Shot Of Love en entier, et pour lequel mon père m’a rejoint sur scène. Ça pour moi, c’est imbattable. J’adore jouer avec mon groupe de Los Angeles, des musiciens excellents, Kyle McNeill, Lewis Pullman, Maesa Pullman, Jason Hiller. Je ne m’en lasse pas. On ne joue pas deux fois pareil, c’est vraiment un plaisir. C’est en tournée que j’ai rencontré le grand David Berman (Silver Jews), et son amitié est une des meilleures choses qui me soit arrivées par ce biais. Mes pires souvenirs sont souvent liés à des problèmes techniques, ou à des musiciens nonchalants qui m’ont fait gâcher la chance incroyable d’être sur scène devant des publics fantastiques. Rien de grave ceci-dit, il y a aussi eu toutes les pannes de Tour Bus, tous les ferrys manqués, toutes les caisses de disques perdues, mais encore une fois, rien de grave. 

8) Quel est ton instrument préféré?

J’hésite, entre ma guitare Resonator (du type National) , ma contrebasse, ou mon piano. J’aime tellement jouer, si tu savais, j’adore ça, alors les instruments, c’est très important pour moi. 

9) As-tu déjà envisagé de publier un recueil de tes textes à compte d’auteur?

Je travaille en ce moment sur un livre de poésie. Je publie déjà des « fanzines » qui mêlent poésie, nouvelles et bande dessinée, mais là je travaille sur un volume plus gros et sérieux. 

10) Quelles sont tes passions en dehors de la musique?

Je peins, je dessine, c’est une deuxième vocation, je fais pas mal d’expositions un peu partout dans le monde, d’ailleurs, c’est une autre partie de ma vie. Je fais de la sculpture et de la céramique, j’expose de temps en temps à Los Angeles pour ça. Je nage beaucoup. Ma compagne et moi somme des membres officiels du club des POLAR BEARS de San Pedro, nous faisons de la nage à ciel ouvert tous les jours, quelque soit le temps. 

11) Tu sembles avoir une réelle affection pour Morrison ton chat, d’ailleurs on peut l’entendre sur certains titres, quelle place occupe-t-il dans ta vie?

Inspecteur Morrison a surgit dans ma vie à un moment où je souhaitais tout, sauf le boulet à la pâte d’un chat à nourrir. Il a sauté sur notre porche, un magnifique chat noir, et contre tous nos efforts, à persisté pour rester. Je pense que c’est un descendant des chats de Charles Bukowski, qui en avait plein et vivait un peu plus haut dans notre rue. Les chats de rue à LA sont des survivants, ils ont une énergie folle. Je l’admire beaucoup, il m’inspire tout le temps, mais m’agace souvent aussi, quand il revient tout blessé de bagarres qu’il adore, ou quand il me saute sur la tête à 4h du matin pour un câlin ou une gamelle de croquettes. Imprévisible, indomptable, libre, féroce et aimant, doux et chaud, c’est le Rock & Roll incarné .

Merci à Herman Dune!

 

Interview réalisée par mail via Ephelide_agency

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